Partie 1. Créer un écolodge : de la rencontre du lieu à la réflexion initiale
« Vous aimez la nature ; vous adoreriez le Lac du Pêcher ! »
Les vraies rencontres ont rarement lieu là où on les attend. Celle-ci, inédite, eut lieu sur les skis, au cœur du domaine Evasion. Nous habitions alors Megève et ce samedi de janvier 2007, jour de migration sur les routes des Alpes, était idéal pour s’aérer. D’autant qu’il suffisait de quelques minutes de marche pour que Laurence ait la joie de se trouver « télésiégée » en montagne. Ce jour-là, elle ne devait pas skier seule mais avec Pierre, cet étranger bientôt compagnon de nature et de pistes, rencontré sur le parking après un vol plané sur une plaque de glace.
Prenant bientôt de la hauteur, par un temps enneigé où l’on ne voyait pas à trois mètres, nous nous ouvrions d’autres horizons en échangeant sur ces terres d’Afrique du Sud, d’Alaska… ». Jusqu’à ce que soudain, Pierre s’exclame : « Vous aimez la nature, vous adoreriez le Lac du Pêcher ! ». L’information aurait pu passer à la trappe si ce n’est que Pierre s’y prit à trois fois pour finir par m’interpeller, sans imaginer une seconde qu’en cette matinée, il semait des graines d’instants d’Absolu qui, depuis lors, ont germé pour donner vie à un écolodge posté, seul au monde, sur les rives du Lac du Pêcher, dans le Cantal, en terre d’Auvergne. Le premier voisin est à 3 km.
Un écolodge « huitième merveille du monde » pour un séjour de bout du monde
Résolue à garder secrète cette adresse du Lac du Pêcher (au bord duquel j’apprenais dans le même temps que se tenait une auberge) pour une échappée belle avec mon compagnon de vie, j’enquêtai rapidement sur la toile. Après de fastidieuses recherches (qui auraient pu ne jamais aboutir, quand on a regrettablement retenu « lac du pêcheur »), le site Internet me donna à ressentir un lieu de bout du monde. Il n’en fallait pas plus pour exciter mon imagination.
Il y eut toutefois un hic : l’auberge ne tournait plus et le lieu, à l’arrêt, était à la vente. « Ca ne marche pas » m’informa Pierre. « Comment un lieu que vous m’annoncez comme étant la huitième merveille du monde peut-il ne pas fonctionner ? » Pour quelqu’un qui travaille dans le secteur du tourisme, qui plus est avec passion, cela ne pouvait faire sens et je n’eus alors de cesse de comprendre le comment, plus encore le pourquoi de ce qui me semblait tout bonnement irrecevable.
« C’est un écolodge ! » : une visite coup de foudre
Deux mois plus tard, Daniel - à qui je révélais la surprise puisque l’échappée belle tombait à l’eau - se montra aussi interrogatif que moi. Nous nous mîmes donc en quête et en route pour comprendre ce qui disjonctait dans le fonctionnement de cette auberge pour qu’elle soit ainsi à l’arrêt, et à présent à la vente.
Il fallait pas moins de 5 heures de route pour rejoindre les rives du lac. Ce jour-là, arrivant par la petite route de Cézérat après une pause déjeuner à Allanche, nous découvrîmes un lac asséché, une terre de grands espaces… et une bâtisse en pierre de lave sur ces rives fantômes. C’est par un éclat de rire que nous allions tous deux cueillir cet instant : « c’est dingue, c’est un écolodge ! » fut ma remarque spontanée, immédiatement connectée à l’évidence subtile de ce lieu, sans rien en savoir encore. Le site était déjà dans le Parc Naturel Régional des Volcans d’Auvergne, sans qu’il n’en soit fait mention nulle part sur le trajet, classé ENS (Espace Naturel Sensible) sans que cela saute encore aux yeux. Tout, avec le recul, semblait comme se tramer sous terre… prêt à germer avec la création de l’écolodge.
D’évidence en évidence… tout se pose, dans la simplicité de l’échange : créer un écolodge de luxe
Après quelques heures de visite, étalée sur 3 étages, pas moins de 1 400 m² de surface bâtie et un territoire à contempler au passage, nous repartions par ces mêmes petites routes, non sans préalablement croiser une biche qui traversa en sautillant devant nous. L’émerveillement était décidément au rendez-vous.
Tout était frais, léger, joyeux… nous reliant d’emblée au cœur à ce territoire. Et alors que nous échangions nos impressions et nos points de vue durant les 5 heures de route du retour, nous fûmes grandement surpris de ce que tout coulait de source. Ce que l’un de nous disait résonnait en l’autre : « tiens au fait, c’est l’esprit Lodge et ces malles-armoires de mon enfance m’ont sauté au visage en rentrant dans cette chambre » ou encore « derrière la montée de grange, un jacuzzi, voilà ce qui ferait sens, à fleur de lac ».
« Au fait, ça s’appelle « instants d’Absolu » ! ». C’était là mon dernier message sur le chemin du retour. Comme l’intuition d’un écolodge où venir vivre cette connexion à la magie de la Vie, lorsqu’elle est vécue pleinement, ici et maintenant. Un idéal à enraciner en terre d’Auvergne.
Pourtant, comment imaginer sérieusement quitter une vie sociale joyeuse et festive, à Megève ? Quel projet d’écolodge envisager ?
Si pourtant tout semblait aller de soi, la seule chose qui faisait encore obstacle à l’idée de venir donner vie à « instants d’Absolu » Ecolodge & Spa était la vie joyeuse et festive que nous menions à Megève. Depuis 12 ans, nous prenions tous deux part au développement touristique de cette station de sports d’hiver et d’été et je me disait chaque jour que j’aurais pu payer pour travailler. Daniel était en ce temps-là Directeur général de l’hôtel « Au Cœur de Megève », alors tenu par la famille Giazzi depuis 5 générations. Je m’occupais du Marketing et du Développement des chalets de luxe de « L’Alpaga » au Hameau de Mavarin et des Granges d’en Haut en Vallée de Chamonix.
Après 7 ans préalablement passés à œuvrer au développement de Megève à l’international, entre salons et workshops d’une part, gestion des réservations de l’autre, nous étions alors accoutumés à prendre part aux festivités qui jalonnent la vie de ce village, de ses soirées de jazz au tournoi de Polo sur neige, de ses concerts classiques aux nuits magiques d’Air & Espace, en présence de cosmonautes et de passionnés du ciel.
A Megève, il y avait aussi la famille de Daniel et tous ses amis musiciens. C’était au temps des vendredis de répétition avec l’Harmonie municipale.
Pourtant, pour moi, tout était clair et il me fut impensable, après avoir découvert ce lieu, d’imaginer balayer d’un revers de main ce projet d’écolodge sous simple prétexte que notre vie à Megève était des plus agréables. Ne pas aller de l’avant, cela aurait été comme nager à contre-courant du fleuve de la Vie. Je le ressentais intérieurement et déjà l’énergie coulait en moi pour poser ce projet sur le papier.
Le weekend qui suivit, j’écrivais jusqu’aux partenariats que je me plaisais à imaginer : Le Guide Rivages des hôtels de Charme (qui sera l’un de nos partenaires de la première heure), Voyageurs du Monde. J’écrivais jusqu’aux propositions de séjours, accordés à une approche bien-être. L’approche naturaliste, nous l’acquerrons sur ce site, au fil des années, dans la connexion à cette nature brute, pressentie comme puissante et transformatrice. Vécue comme régénératrice de surcroit.
Pour Daniel, il aura fallu un peu plus de temps pour imaginer faire le pas. « Donne-moi 72 heures et je te dirai » fut sa réponse, à ma question : « Tu nous imagines quitter Megève et aller nous installer là-bas ? » Moins de 48 heures plus tard pourtant, Daniel devait dire oui.
Des synchronicités, le destin à l’œuvre « parce que c’était là ! »
Il faudra quelques années de travail et de réflexion, pas moins de 20 allers retours pour broder l’existence de cet écolodge. Pas moins de 3 ans en réalité entre la rencontre en mars 2007 et l’ouverture en juin 2010, après pas loin d’un an de travaux.
Parce que, pour créer un écolodge comme pour construire un écolodge, au-delà du business plan nécessaire pour la banque et les partenaires qui attendront plus que la simple passion, il faut une vraie dose d’enthousiasme, de patience, de courage diront certains… d’inconscience même, ajouterais-je.
Entre temps, bien des rencontres auront été engageantes et nous auront permis de dynamiser ce projet : cette toute première rencontre avec Bernard Delcros, rencontré à l’époque en tant que Président de la Communauté de communes du Pays de Murat, avec laquelle nous allions travailler de concert… celle de Chantal Reversat, qui sera notre conseillère financière à la Banque Populaire du Massif Central et avec qui nous avons eu très vite un contact amical (avec un banquier, nous sommes conscients que cela peut surprendre, pour avoir tant de fois été interpellés à cet égard. Et pourtant !). Egalement déterminantes furent ces rencontres avec Jean Pinard, alors en charge du développement de l’Auvergne, au CRDTA avant qu’il ne fusionne avec la grande Région ; avec Bruno Avignon sur le Cantal.
Parmi les rencontres non moins fortes et décisives : celles qui nous ont fait ressentir combien notre destin était à l’œuvre. Un jour où nous rentrions déconcertés par tant de problèmes rencontrés, au dernier péage (de Cluses, à 30 mn. de route de Megève) sur le retour, nous devions tomber sur un autocollant « Cantal – Auvergne » posté, pour une raison qui nous échappe encore, sur la cabine de péage. Un amoureux du Cantal qui aura voulu le crier là, haut et fort… un petit farceur… une personne en charge du péage originaire du Cantal… ? Autant de questions restées sans réponse. Et finalement, qu’importe ! Au fond, de ces synchronicités, nous en avons tant croisé sur notre chemin qu’il nous est vite apparu comme notre Chemin de Vie. Il aurait fallu être aveugle pour ne pas voir.
La création d’un écolodge de charme, pas à pas, en terre volcanique d’Auvergne
Ce n’est finalement pas parce que je m’étais exclamée haut et fort : « c’est un écolodge » que j’étais au clair avec ce qu’est finalement un écolodge. Daniel ne l’était pas davantage. Un Lodge, oui. Nous en avions vécu en Afrique du Sud et gardions vif le souvenir merveilleux de Makalali dans le Parc Kruger ou encore de Falaza au parc de Hluhluwe. Mais alors, pourquoi ne pas s’être écrié : « c’est un lodge » ?
Je ressentais déjà, sans savoir alors la nommer, la puissante énergie de ce site. Je ressentais l’énergie de la Terre, bien plus présente encore à l’époque où le lac était vide. Aujourd’hui, les éléments sont davantage équilibrés. C’était comme si la Vie pulsait en ce lieu, dans un état un peu comateux mais qui demandait à vivre. Pleinement.
Si l’évidence est là et se nomme écolodge, pour autant il nous faudrait nous mettre au clair avec ce qu’est un écolodge pour pouvoir fusionner au mieux avec ce lieu, alchimiser nos énergies. C’est une longue étude sur laquelle nous tomberons sur Internet, intitulée : « ECOLODGES : EXPLORING OPPORTUNIES FOR SUSTAINABLE BUSINESS » qui nous mettra au clair. L’écolodge y est décrit comme répondant à 3 critères majeurs, après avoir posé l’évidence de ce qu’est un lodge, à savoir une structure qui accueille pour le gîte et le couvert :
- Un écolodge est inscrit au cœur d’un parc naturel ou d’une réserve, en bref sur un territoire naturel de grands espaces.
- Un écolodge prend en considération les deux principes de protection de l’environnement à travers la préservation et la sensibilisation.
- Un écolodge s’engage localement, en vue d’un retour au territoire.
Tout dans cette acception de l’écolodge faisait naturellement et immédiatement sens pour nous et il nous sauta au visage comme une nouvelle évidence que le lien au Parc Naturel Régional des Volcans d’Auvergne devait être plus affirmé. Depuis, nous avions étudié ce territoire d’un peu plus près. Les prestations offertes alentours attendaient d’être structurées. Il y avait un musher pour des sorties avec les chiens de traineaux, un centre équestre en vue, un autre centre, d’interprétation de la nature, la Maison de la Pinatelle… mais encore des artisans, potiers. Autant de partenaires avec lesquels nous tisserions le bonheur de vivre au naturel comme un Art.
Quelques années plus tard, il y aura en outre un peintre-relieur (à la retraite depuis), d’autres artisans, dont un artisan fromager et une confiturière, un coutelier… autant de forces vives pouvant participer d’une même chaîne de développement, dans une intelligence globale d’offre de qualité.
Dans ce qui était jour après jour davantage mis au clair, il y eut l’éco-participation, qui devait nous impliquer autant que nos hôtes. Parce que nous avions par bonheur voyagé et constaté combien à l’étranger, les parcs ouvrent leurs portes au public, moyennant une participation financière. C’est avec la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) que nous démarrions en 2010 pour participer à la sauvegarde du milan royal sur la planèze. 10 ans plus tard, et après bien d’autres actions comme la sensibilisation à la chauve-souris, dans l’écoute de l’invisible lors de charmantes et étonnantes soirées, équipés d’appareils de détection des ultrasons (pour différencier murins, pipistrelles, identifier la noctule bicolore et pas moins de 11 espèces sur le site), nous travaillons de nouveau de concert avec la LPO pour sensibiliser cette fois à la sauvegarde de la pie-grièche.
Enfin, pour finir de poser sur le papier l’esprit de l’écolodge, nous devions apprendre que nous serions subventionnés par la région Auvergne et au-delà, par l’Etat français (sous forme de réduction de charges et d’impôts), dès lors que la bâtisse se trouvait en ZRR (Zone de Revitalisation Rurale), venant confirmer s’il le fallait l’intelligence d’une vision territoriale, et appuyer notre souhait de participer à un développement local crucial.
L'heure de la rencontre et de la réflexion passés, bientôt viendrait le temps de la réhabilitation et du lancement.