En ce beau dimanche de printemps (28 mars dernier), deux chiens lâchés et livrés à eux-mêmes se sont introduits dans les jardins de l’écolodge où ils sont venus déloger 12 poulettes amoureusement élevées et dont les œufs – ô merveille de la nature ! - régalaient nos hôtes depuis le printemps 2020. Lorsqu’ils étaient bleus, certains, intrigués par l’espèce qui pouvait bien pondre ainsi, venaient nous demander qui remercier. Nous leur présentions alors Yellowstone, de race cream legbar et assistions, émus, à cet instant de communion entre un humain et une gallinacée… le temps d’un merci.
Le temps s’arrêtait alors et au coeur de la forêt de la Pinatelle, sur les rives du lac du Pêcher, il se teintait de nostalgie… cette nostalgie d’une époque qu’on aurait crue révolue, où la vie prenait le temps de s’écouler paisiblement au rythme du vivant. Bien souvent, on se disait ici qu’on était dans une bulle, protégés de l’agressivité d’un monde que tout semble mener trop loin, trop vite.
En ce beau dimanche pourtant, les choses allaient se présenter sous un nouveau jour.
En cet après-midi pré-estival, il y aurait assez de randonneurs pour observer, plus d’une heure durant, deux chiens aller et venir du côté de la volière où 11 poules de 7 espèces différentes et un coq se tenaient – célébrant en cet endroit la biodiversité - , avant d’aller arracher à coups de crocs et de pattes les lames de bois du poulailler.
Une heure pour tuer, sans raison autre que la prédation.
Une heure pour contempler le désastre sans broncher… sur un espace privé inscrit sur les terres du Parc Naturel Régional des Volcans d’Auvergne où les chiens sont pourtant sommés d’être tenus en laisse. En vérité, il n’en est rien.
Alors, depuis ce jour, une envie nouvelle de militer a vu le jour en nous. Une envie de restituer à la Vie son parfum sacré… de rendre justice à la beauté, à la magie du vivant. Une envie de protéger la liberté aussi.
Parce qu’au fond, si l’écolodge peut sembler conceptuel à plus d’un, pour nous, il n’est autre qu’un espace de vie qui célèbre l’harmonie du vivant, d’un lieu entre lac, forêt et volcan… loin de l’agitation du monde. Avec ce souhait de respecter la nature autant que de la valoriser, sans nulle envie de la mettre sous globe. Aucune revendication, aucun acte militant ne supporte l’esprit de l’écolodge. Ce dernier se veut au contraire comme découlant d’un sentiment de profonde gratitude.
En ce beau dimanche printanier, tandis que nous avions envie de crier notre colère autant que de pleurer notre tristesse, pour la toute première fois donc, nous militons… non pas seulement pour ces pauvres poulettes dont la fin fut sans doute bien agitée, terrifiante sans même avoir été prélevées pour la consommation. Nous militons contre une insensibilité croissante face au vivant, contre des mesures et des lois édictées pour rien. A quoi bon inscrire parmi les recommandations de bon sens du Parc Naturel que les chiens doivent être tenus en laisse quand personne en réalité ne s’en soucie ? Combien de fois avons-nous déjà rencontré des chiens lâchés dans les jardins de l’écolodge ? En cette fin d’hiver, un grand chien à poils longs venait déjà interférer côté poulailler. Ce jour-là, nous étions présents et assez vigilants pour intervenir… peut-être à temps. Combien de fois avons-nous informé le promeneur - bien avant l’installation du poulailler - ; lequel a le plus souvent a haussé les épaules devant ce qu’il a sans doute estimé être une information sans intérêt. Certes, il n’a pas été verbalisé. Mais combien est triste la vie lorsqu’elle ne nous grandit pas ; lorsqu’elle ne nous responsabilise pas face à nos actes et à ceux qui en découlent directement.
Souvent on entend fustiger le cerf… qui prédate les bourgeons des conifères des propriétaires terriens en forêt de la Pinatelle. On fustige encore le renard pour ses méfaits contre les poulaillers précisément. On fustige le loup... Mais qu’en est-il du chien livré à lui-même et dont les prédations ne sont pas une mince affaire ? … soulève à juste titre Ludovic, tout en nous contant la fin tragique de nos poulettes.
En fin observateur des espaces naturels, il a plus d’une fois constaté les dégâts opérés par des chiens non tenus en laisse sur des espaces dits protégés, notamment sur le chevreuil.
Ce jour, au-delà de la colère, au-delà de la tristesse, nous militons pour que la vie, domestique comme sauvage, soit protégée, couvée des yeux, dans un souci d’harmonie du monde et de bien vivre ensemble qui dit toute la magie potentielle de cette terre loin du bruit de notre époque. Parce qu’il nous plaît de panser cette plaie, de laver ce carnage, en élevant plus haut encore notre en-vie d’un monde enchanté, où le vivant ne soit pas uniquement ravalé au rang d’économiquement viable ou intéressant. Où la nature soit source d’émerveillement, d’apaisement, de joie. Parce qu’il est des lieux à des lieues où la Vie vaut tous les trésors du monde, loin du cynisme ambiant qui agite notre époque. En pensée, en formant ce vœu, avec Etna (de race Padoue), Yellowstone, Kirishima, Kilauea (de race Nègresoie), Vésuve (Sussex), Merapi et Semeru (Ayam Cemani), Mary et Villarica (Faverolles)… et leur coq, Stromboli, comme autant d’hommages au vivant et aux volcans du monde.